Nous avons interviewé François Pinochet, dirigeant et Co-fondateur du cabinet de conseil Bolero, pour parler de la meilleure façon de mesurer l’impact digital des actions de sponsoring sportif, avec des exemples concrets tirés du Tour de France et de la Coupe du Monde.
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Le sponsoring est un levier de communication qui existait bien avant l’avènement d’internet; les entreprises ont toujours contribué à financer des événements sportifs. On peut situer l’origine du sponsoring aux premières années du Tour de France avec la caravane publicitaire dans les années 20. L’apparition de marques sur des voitures de course, des maillots de cyclistes, sur le bord des terrains de foot … remonte au milieu des années 60.
Exemple : Le voilier 33 Export, qui fut le premier bateau de ce type à prendre le nom d’une marque en 73 (avant la loi Evin).
À l’époque, les médias avaient alors le monopole de l’espace publicitaire pour relayer les événements sportifs, et ne voyaient pas toujours le sponsoring d’un très bon œil, ce qui a par exemple causé en 1975 un boycott par le journal l'Équipe des Inaltera “brandées” qui avaient remporté cette édition des 24h du Mans.
Les retombées étaient faciles à mesurer, les marques calculaient un équivalent publicitaire. Au final on raisonnait en terme d’économie « tel événement m’a fait économiser x $ d’achat d’espace »…
Avec l’avènement d’internet et des réseaux sociaux, les médias ont perdu leur monopole et le public est lui-même devenu un contributeur-amplificateur. Aujourd’hui, chacun d’entre eux est un média avec des audiences très variable d’un internaute à l’autre. Ces derniers opèrent une sélection et ne relaient que ce qui les concernent (avec toute la subjectivité qui caractérise chaque individu). Ils donnent également plus leurs avis, ce qui peut avoir un impact direct et incontrôlé sur les réputations des marques. Enfin, on assiste à des phénomènes d’emballement et d’influence pas toujours évident à comprendre.
Aujourd’hui, vouloir calculer un équivalent achat d’espace de tout ce qui circule sur la toile est sans intérêt, tellement la richesse de données que l’on peut en extraire va bien au-delà de ce raisonnement.
Découvrez la performance
des sponsors de la Coupe du Monde 2018
L’intérêt est différent d’un annonceur à l’autre, mais la question est surtout celle des objectifs que l’on poursuit. Ce qui ne se mesure pas n’a pas de valeur, disent les anglais, hormis une valeur affective. Comme pour toutes démarche d’évaluation d’action, il faut avoir des objectifs pour pouvoir mesurer, ce qui paraît peut-être évident, mais les objectifs des entreprises ne sont pas toujours si clairs ! Il arrive également que certains responsables d’entreprise se fassent plaisir, et que ces mesures d’impact leur servent surtout à justifier leurs investissements à postériori. Pour une marque, un premier objectif d’une action de sponsoring peut être de travailler sa notoriété, c’est à dire d’augmenter ou d’entretenir sa visibilité auprès d’un public acquis ou de nouveaux publics.
Quand on prend l’exemple de McDonald’s ou de Coca-Cola, qui sont tous deux sponsors de la Coupe du Monde de football 2018, on peut légitimement se demander si ces marques iconiques ont réellement besoin d’ajouter à leur notoriété.
Analyse de la marque Coca-Cola réalisée sur 13 mois à l’aide de
l’outil de veille et d’analyse du web et des réseaux sociaux Talkwalker
Quand on analyse ci-dessus l’évolution des mentions de la marque Coca-Cola en France sur le web et les réseaux sociaux, aucun pic n’a été observé au moment du début du mondial et témoigne d’une simple occupation d’espace. La conclusion est la même quand on mesure le volume de recherche de la marque sur Google (ci-dessous).
Capture d’écran tirée de l’outil Google Trends
Pour ce type de marque, des marques qui apparaissent comme leader, l’enjeu est probablement d’entretenir une présence à l’esprit au moment des matchs pour inciter à la consommation (efficace à condition de consacrer de gros moyens en parallèle en promo des ventes), ou tout simplement de ne pas laisser la place vacante et éviter qu’un concurrent (comme Pepsi par exemple) ne la prenne et ne préempte l’image de marque dominante du secteur.
A contrario, certaines marques vont se servir de ces évènements comme d’un tremplin. On constate ci-dessous un pic très fort dans la notoriété française de la marque Budweiser, un des sponsors officiels de la Coupe du Monde. Cependant, afin d’obtenir un ROI réel, il faudrait pouvoir analyser les chiffres de vente de la marque et comparer ces différents indicateurs à ceux de ses concurrents directs.
Analyse de la marque Budweiser réalisée sur 13 mois sur le web
et les réseaux sociaux à l’aide de du moteur de recherche Quick Search
Comme nous l’avons mentionné avant, le gain de notoriété peut être variable d’un événement à l’autre. Le cas de Sodebo 2016 en est l’exemple type. Lors du tour du monde 2016, on observe un pic quand Thomas Coville bat le record du tour du monde. Cela est dû à une campagne de communication travailler et anticiper. À l’inverse, lors de son record de traversée de l’Atlantique du Nord, il s’agissait d’un événement arrivé “par hasard”, et qui n’avait pas été préparé en amont.
Conclusion : Une action de sponsoring doit s’inscrire dans un dispositif global de communication. Il ne se résume pas à un simple achat d’espace.
Autre objectif possible : le fait de vouloir associer sa marque au prestige d’un événement voire d’un sportif. Mais ce levier est à double tranchant, un pari qui peut s’avérer perdant pour une marque. L’exemple de LCL pour le Tour de France (Maillot jaune souvent associé au dopage) ou encore de Nike pour la coupe du monde 2018 avec les chutes à répétition de Neymar et le scandale des chaussures pour les footballeurs iraniens en sont les exemples types.
Il est important de comprendre que certaines campagnes peuvent être de véritable cauchemar pour les marques qui devront gérer par la suite une crise qui peut d’ailleurs surgir bien plus tard (Cas Armstrong)
Toutefois, il existe des success-stories comme ce fut le cas avec Warren Barguil, le cycliste qui avait permis à la marque Sunweb (alors inconnue en France) de se faire connaître quand il avait remporté le maillot à pois du Tour de France 2017.
Un autre objectif du sponsoring sportif peut être l’effet vitrine, comme nous l’avons vu avec McDonald's et Coca Cola. Dans le cas des équipementiers, il y a un match derrière le match. L’effet vitrine est un bon levier pour attester de la performance et la qualité de leur produit (ou l’inverse en cas d’incident, comme les fameux maillots suisses qui ne cessaient de se déchirer lors du match des Helvètes contre la France). Le fait que la finale de la Coupe du Monde 2018 entre la France et la Croatie soit 100% Nike en termes de sponsor équipementier influencera et témoignera d’un gage de performance.
Pour beaucoup de marques, l’objectif n’est pas forcément visible. Il peut être utilisé pour fédérer en interne ou pour récompenser des clients fidèles. C’est le cas d’Arkema, de RAGT…
L’exemple de la patrouille Breitling est particulièrement intéressant, car il travaille simultanément la notoriété de la marque avec des démonstrations aérienne dans une tournée des plages, mais surtout il invite ses clients à faire des baptêmes de voltige pour mieux les fidéliser. L’objectif, leur offrir une expérience unique en remerciement.
Au final, il n’y a que deux questions à se poser :
- Quantitatif : dans quelles proportions la marque a-t-elle été exposée ?
On s'intéresse ici au volume d’exposition de la marque. Face aux volumétries considérables de contenus et données produites à l’occasion d’un événement, l’assistance des outils de collecte et d’aide au tri tels que Talkwalker est indispensable.
- Qualitatif : la marque a-t-elle été à son avantage? Qui a-t-elle touché?
Là on s'intéresse à la qualité de la mise en avant. À ce niveau, les outils s’améliorent beaucoup depuis quelques années, mais ce n’est que par l'alliance entre l’homme et la machine que l’on est apte à interpréter l’information de façon fiable.
Une première difficulté dans ce processus : Il est important de distinguer média et opinion car ils cohabitent dans les mêmes espaces mais sont de nature différentes. Les média sont neutres par vocation car ils relatent des faits et prennent très rarement position (peut-être un peu plus dans le sport !). L’opinion publique quant à elle est par nature gouvernée par les émotions, ce qui explique les volumes considérable observés dans le sport par exemple.
On mesure donc séparément intérêt médiatique et réactivité sociale : il peut y avoir intérêt médiatique sans réactivité sociale (sujet qui passionne le microcosme des médias mais ne concerne pas le public), mais l’inverse est rarement vrai, car une émotion du public qui s’amplifie est rapidement repérée par les média, et cela devient un fait d’actu (➔ cercle vertueux).
Une deuxième difficulté se présente du fait de la diversité des formats. Le nom ou le logo d’une marque ne sont pas encore détectés avec le même niveau de précision que dans le texte par les outils de veille et d’analyse s’il s’agit d’une image ou d’une vidéo. On sera exhaustif sur le texte mais on aura beaucoup de mal à remonter les images ou vidéos où figurent la marque. Or dans le sport, il y a beaucoup plus de contenu image et vidéo que texte !
Comment faire alors ? On utilise d’une part des technologies de reconnaissance d’images, telles que celle de Talkwalker pour détecter autant de mentions visuelles que possible, et on reconstitue manuellement le contenu vidéo.
On calcule ensuite le rapport entre le nombre de citation texte de la marque connu, et le nombre d’apparition dans des images ou vidéos à partir d’échantillons. On peut alors extrapoler le nombre d’image et vidéo en partant du nombre de citations que l’on connaît. Il y a également un calcul de l’intensité de cette présence visuelle, en fonction d’éléments tels que :
- le nombre de citation /contenu;
- la surface occupée par le logo dans l’image ;
- la durée d’exposition dans les vidéos
- l’appréciation qualitative du traitement réservé à la marque (positif, négatif, neutre)
De la nécessité d’une analyse qualitative des
mentions en ligne d’une marque (texte ou logo).
Finalement, il faut également se demander quelle audience on doit prendre en compte. On retrouve ici des notions similaires à celles utilisées pour les médias hors ligne : la diffusion (nombre de contenus tous formats confondus produits par les internautes. Ex : plus de 3 millions pour le Tour de France !) et la visibilité (nombre de fois où un contenu est affiché sur l’écran d’un internaute).
En résumé, je dirais qu’il y a 5 points à garder en tête avant de débuter cet exercice :
Quelques indicateurs de performance et analyses à inclure
dans votre rapport bilan sur votre action de sponsoring